Wayne O’Connor et Aimin Wang

Participer à une conférence de la World Aquaculture Society est toujours l'occasion d'en savoir un peu plus sur les activités aquacoles du pays hôte. Cela dit, dans le cas de la Chine, la taille de l'industrie aquacole est telle qu'elle n'a apparemment d'égale que la diversité des espèces qui y sont élevées. Deux jours ne suffisent pas à voir tout ce qui se pratique en ce domaine dans une seule province du pays, mais si c'est tout le temps dont vous disposez et si vous vous intéressez à la perliculture, une visite à Hainan s'impose.

Hainan est une grande île de 34 000 km2 située en mer de Chine méridionale au large des côtes du Sud de la Chine. On y dénombre 7,1 millions d'habitants qui vivent pour la plupart dans les deux principales villes de l'île : Haikou, la capitale, et Sanya, une station balnéaire de la côte sud. Située en zone tropicale, l'île est très appréciée des touristes chinois qui viennent y séjourner en hiver pour profiter de la douceur du climat. Les températures atteignent en moyenne un peu plus de 25°C et descendent rarement en deçà de 18°C.

L'aquaculture est aujourd'hui le principal secteur d'activité de l'île, où la pisciculture prédominait jusqu'à une période récente. Depuis l'introduction de la crevette blanche Litopeneaus vannamei, la culture de la crevette constitue l'essentiel de la production aquacole locale. Hainan abrite par ailleurs une grande variété d'espèces cultivées et des populations de Pinctada martensii, Pinctada maxima, Pinctada margaritifera et Pteria penguin.

En Chine, la perliculture se pratique dans les provinces méridionales de Guangxi, Guangdong et Hainan, bien qu'à Hainan la production soit relativement modeste. À Hainan comme dans les deux autres provinces, le secteur perlicole repose principalement sur la culture de Pinctada martensii et, dans une bien moindre mesure, de P. maxima. Les pêcheurs locaux capturent aisément les deux espèces qui sont également produites dans les écloseries du département d'halieutique de l'Université de Hainan.

Si la ponte de P. martensii peut être induite toute l'année, la production en écloserie se concentre généralement sur les mois de février à mai et de septembre à décembre. Les techniques utilisées sont simples, fiables et peu coûteuses. Les reproducteurs sont prélevés en milieu naturel et dans des fermes perlières et la ponte est provoquée grâce à des techniques thermiques d'induction. Dans le cas de P. martensii, on prélève les gamètes sur les reproducteurs qui sont ensuite sacrifiés. Les larves sont élevées dans des bassins en béton carrelé et nourries avec des algues Dicrateria zhanjiangenis, Chaetoceros muelleri et Tetraselmis (Platymonas) subcordiformis. La levure de boulanger (Saccaromyces cerivisae) sert de complément alimentaire au cours des toutes premières étapes du stade larvaire. Les larves demeurent dans le même bassin jusqu'à ce qu'elles se fixent et l'eau est renouvelée quotidiennement à l'aide d'un siphon recouvert d'un filtre.

Au bout d'environ 24 jours, les larves atteignent le stade pédivéligère et des collecteurs sont introduits dans le bassin d'élevage. Chaque collecteur est constitué de 10 feuilles de plastique fin de 20 cm x 20 cm suspendues l'une au-dessus de l'autre à des intervalles d'environ 10 cm. Lorsque les naissains ont atteint une taille moyenne de 1 à 2 mm, ils sont délicatement retirés des plaques et des parois du bassin à l'aide d'une éponge. Ils sont ensuite élevés en milieu naturel dans des sacs à naissains à mailles fines, puis transférés dans des cages dès qu'ils atteignent 5 à 8 mm.

Les naissains de P. martensii demeurent dans les fermes perlicoles pendant quinze mois jusqu'à ce qu'ils mesurent 70 mm. On implante ensuite dans les huîtres deux nucléi dont le diamètre est compris entre 4,5 et 7,5 mm. Une fois greffées, les huîtres sont conservées dans les fermes perlières pendant encore onze mois avant d'être sacrifiées pour permettre la récolte des perles. Selon les informations disponibles, les taux de survie entre la formation des naissains et le stade où ils atteignent 70 mm et entre la greffe et la récolte sont de l'ordre de 35 et 60 pour cent respectivement.

La ferme expérimentale de l'Université de Hainan se situe dans la baie de Linshui. Elle a été construite sur des pylônes de béton enfoncés dans le fond. Des poteaux de bois fixés entre les pylônes forment un treillis sur lequel sont suspendues les cages grillagées dans lesquelles sont placées les huîtres. Un faré aménagé au-dessus de la ferme permet d'accueillir les étudiants et les employés et d'assurer le suivi et le bon déroulement des opérations.

À l'origine, la ferme de la baie de Linshui, créée en 1978, produisait des perles issues de P. martensii et de P. maxima. Par la suite, la culture de P. maxima a été interrompue et n'a repris que récemment, à l'initiative du professeur Wang. Le site qu'occupe actuellement la ferme perlicole est de faible superficie et s'étend sur environ 15 mu (1 hectare) dans une zone de pêche et d'aquaculture intensives.

Les exploitations aquacoles implantées dans la zone pratiquent entre autres la culture des algues, la pisciculture et le grossissement des langoustes. Elles ont été rendues responsables de la disparition des élevages d'huîtres comestibles situés à proximité. On croyait même qu'elles compromettaient la viabilité de la perliculture. Des mesures ont donc été prises en vue de déplacer les fermes perlicoles vers des zones plus isolées.

Le professeur Wang a entrepris de créer dans la ville de Sanya, située non loin de là, un institut de recherche sur l'huître perlière doté d'une écloserie dans laquelle seront produits des naissains de P. martensii et de P. maxima, ainsi qu'une ferme d'élevage de P. maxima. Cette initiative va faciliter les recherches sur la mise au point de techniques de production de P. martensii polyploïdes. Le professeur Wang, en collaboration avec Fan Xuan Jun, de l'Institut des ressources agricoles tropicales de Hainan, travaille par ailleurs sur deux autres méthodes d'amélioration de la qualité des perles.

Un nouveau type de nucleus enrobé issu des travaux de recherche menés précédemment dans la province de Guangxi a été mis au point. L'utilisation de ce nucleus est censée favoriser un accroissement du taux de survie postopératoire et limiter les rejets. Le revêtement utilisé contient un antibiotique et un composant qui accélère la prolifération des cellules épithéliales contenues dans les tissus du manteau du donneur. Des équipements ont été achetés en vue du traitement à petite échelle de nucléi et des évaluations supplémentaires seront réalisées à la lumière des résultats obtenus. À l'issue du processus d'enrobage, les nucléi prennent une couleur jaune citron qui se dissipe rapidement après implantation. Les nucléi traités selon ce procédé peuvent avoir une durée de vie d'au moins douze mois s'ils sont stockés dans de bonnes conditions.

De faibles taux de croissance et la forte prévalence des infestations du ver Polydora ciliata ont entravé le bon développement de la culture de P. martensii à Hainan. Par chance, l'importance économique grandissante de l'aquaculture, qui a relégué le secteur agricole au second plan, a conduit Fang Xuan Jun, qui jusqu'alors se consacrait entièrement à l'étude des ressources génétiques agricoles, à s'intéresser aux huîtres perlières.

Dans le cadre de ses travaux, des reproducteurs ont été prélevés en milieu naturel à Sanya (Hainan), à Beihai (Guangxi) et dans la baie de Daya (Guangdong) et les paramètres présentant un intérêt particulier au plan perlicole (croissance, survie, couleur de la nacre) ont été évalués pour chacune des souches répertoriées et leurs hybrides. Les huîtres de la première et de la seconde génération issues de ces reproducteurs présentent des différences considérables tant en ce qui concerne leur croissance que leur taux de survie.

À l'aide de techniques d'amplification aléatoire d'ADN polymorphe, Fang Xuan Jun tente d'isoler les marqueurs correspondant à ces caractéristiques afin d'accélérer le processus de sélection. Il expérimente par ailleurs des techniques novatrices qui consistent à quantifier les caractéristiques relatives à la couleur des perles à partir d'images numérisées des couches de nacre. Ces nouvelles méthodes pourraient servir à améliorer la sélection des huîtres.